Jawhar Al Delkhalek

Pour mon bien ma mère a fait le choix de m'arracher à mon géniteur et à l'influence néfaste de sa famille. Je suis bien le second enfant de Karim Al Delkhalek, le Cheikh dirigeant de Dubaï et de la princesse Fawzia El Jabar, petite sœur du Cheikh de Damas, capitale de la Syrie. Je ne suis pas née au palais de Dubaï comme mon frère aîné, mais dans celui de Damas en Syrie. Ma mère ne supportait plus la vie aux côtés de l'Emir, ses tromperies et humiliations diverses l'ont poussé à le quitter. Elle a demandé le divorce avant ma naissance, elle est partie laissant derrière elle mon frère Aksel. Il ne fait aucun doute que si l'Emir avait su qu'elle attendait de lui un enfant, il ne l'aurait pas laissé partir. Elle s'est réfugiée chez son frère aîné au palais de Damas, m'élevant dans l'ignorance de mes origines paternel. Son frère respectait ses choix quant à mon éducation non-conventionnel même s'il ne la comprenait pas toujours.

    Ma mère, de par son passé auprès de Karim sans doute ne voulais pas d'un avenir similaire pour moi. C'est sans doute pour cette raison qu'elle m'a élevé dans l'idée que les hommes et les femmes sont sur le même pied d'égalité, ce qui n'est pas une pratique courante dans les mentalités de mon pays. Si mon oncle ne partageait pas les mêmes convictions à ce sujet, il respecte tout de même les choix de sa sœur sans discuter. Il a toujours été présent pour moi, faisant office de figure paternel. Je n'ai jamais manqué de rien durant mon enfance, aimée et choyée, chaque désir que je formulais était réalisé. À obtenir toujours ce à quoi, j'aspirais à sans doute beaucoup joué dans mon tempérament, autoritaire, et même un brin capricieuse. J'ai toujours difficilement accepté que l'on me dise non. Pour mon quinzième anniversaire, quand j'ai voulu ce cheval, ce pur-sang arabe au pelage d'ébène une bête magnifique au coût absolument indécent, je l'ai obtenue sans grandes difficultés. Oh, certes, je me suis d'abord heurté à un refus de la part de mon oncle qui ne comprenait pas ce que ferait une gamine d'un tel animal, mais j'ai su user de la ruse pour le faire flancher. Son fils unique plus âgé que moi, voyait clair dans mon jeu, mais il ne disait rien. Nous nous entendions d'ailleurs très bien tous les deux. Nous n'étions pas frères et sœurs par le sang, mais nous nous considérions pourtant comme tel. Nous étions proche et complice, c'est d'ailleurs lui qui m'a appris à monter à cheval.

   J'ai vécu toute mon enfance ainsi que mon adolescence au palais de Damas, une bulle dorée au sein de laquelle j'étais heureuse, mais je rêvais d'aventure et de voyage à travers le monde. Ma mère ne s'opposa pas à mon choix d'aller faire mes études au Etats Unis. J'ai intégré l'université privée de NewYork Colombia, attirée par les lettres, j'ai opté pour un cursus littérature. Depuis que je suis gamine, j'aime me plonger dans la lecture, dévorant les romans comme des bonbons. J'ai longtemps voyagé grâce à la lecture, à travers le monde, à travers le temps aussi. D'une manière plus discrète, je m'adonnais également à l'écriture, jouant avec les mots pour donner vie à des histoires et des personnage qui naissaient dans mon esprit. Jusqu'à ce que je suive des cours d'écriture à l'université une seule personne a pu lire ce que j'écrivais seule dans mon coin : mon cousin. Aux Etats Unis j'ai appris à prendre davantage confiance en moi, cette indépendance loin de mon cocon familial m'a été très bénéfique.

   J'ai profité de ma jeunesse et de cette vie loin de mon monde pour voyager et jouer les globes trotteuse. J'ai aimé voir les merveilles de notre monde, curieuse de ses merveilles et de son histoire, mes divers voyages m'ont beaucoup aidé dans cette passion dévorante pour l'écriture. J'aimais écrire des romances plus ou moins érotique, et dans le monde d'où je viens ce n'est pas le genre de chose très bien vu. Malgré l'éducation ouverte que j'ai reçu, au Moyen-Orient une femme ne peut pas s'exprimer aussi librement sur tous les sujets, rester à sa place et ne pas faire de vague. C'est en très grande partie pour cette raison que j'écris sous un pseudonyme :  Ruby Wilson.

   C'est un événement tragique, qui m'a profondément marqué qui m'a poussé à revenir en catastrophe à Damas. La mort violente de mon cousin, assassiné par des rebelles dans le désert Syrien. Sa mort m'a profondément touchée, je le considérais comme mon frère et suite à cet accident tragique, je ne suis pas repartie du palais de Damas. Ma place était ici à présent aux côtés de ma mère et de mon oncle qui a été très affecté par la mort de son fils. Lorsqu'il m'a convoqué pour me faire part de son souhait que je devienne son héritière, j'ai d'abord refusé. Ce n'était pas ma place, et j'étais encore trop affectée par sa disparition. Mon oncle m'a laissé m'a laissé un peu de temps avant de revenir à la charge me faisant comprendre que je n'avais pas réellement le choix, que c'étais à présent à la fois mon devoir et un honneur que je ne pouvais refuser. Certes, il avait raison et j'en ai parfaitement conscience que c'est ainsi que j'accepte sa requête et accepte qu'il me forme pour que je puisse lui succéder dignement le moment venue.

   Un autre événement funeste à l'aube de mes vingt-sept ans vient chambouler toute mon existence. Sa maladie longue et douloureuse fut une véritable épreuve. C'est sur son lit de mort qu'elle me fit des révélations sur mes origines qui me tétanisèrent. Lorsqu'elle prononça le nom de mon père à voix, hâte, cette révélation me fit l'effet d'un coup de poignard. J'ai toujours pensé qu'elle m'avait dissimulé son identité parce qu'elle en avait honte, j'avais fini par penser qu'il s'agissait d'un homme peu recommandable voire même un inconnu. Je n'avais jamais cherché à creuser le sujet respectant sa discrétion à ce sujet. J'aurais préféré qu'elle emporte le secret avec elle. Cette bombe qu'elle vient de me lâcher en plein visage fou un bordel sans nom dans mon esprit et je lui en veux alors que je devrais la pleurer. Je lui en veux, car elle a juste soulagé sa conscience avant sa fin alors que j'en suis certaine, elle savait les ravages qu'allait faire une telle révélation.

   Une fois l'effet de surprise passé, j'ai pu parler avec mon oncle qui était au courant de son secret, je l'interroge et discute longuement avec lui. Je voulais comprendre ce qui avait poussé ma mère à agir de la sorte et bien que j'essaie de comprendre de toutes mes forces de lui trouver toutes les excuses possibles et imaginables, une part de moi lui en voudra toujours. Je fais part à mon oncle de mon souhait d'ignorer cette révélation, je ne veux pas les connaître et faire partie de leurs vies. Je veux faire comme si elle ne m'avait rien révélé, reprendre ma vie ou elle en était. Simplement. S'il fait mine de comprendre et d'accepter mon choix, c'est uniquement pour endormir ma vigilance, car c'est dans mon dos et à l'encontre de ma volonté qu'il contacte mon frère Aksel lui apprenant alors mon existence. Devant le fait accomplie, j'étais folle de rage que l'Emir de Dubaï se présente à moi comme mon frère. Notre première rencontre fut violente dans nos propos, son manque de tact et de respect envers ma mère défunte m'a mise hors de moi. Je crois que c'est la première fois que j'ai à ce point perdu le contrôle de ma personne. C'est après cette discussion houleuse que j'ai accepté d'apprendre à connaître cette nouvelle partie de ma famille. Est ce la curiosité ? ou Aksel qui a sur se montrer convainquant ? Je ne le sais pas vraiment, mais une chose est certaine, c'est que mon frère ce n'est pas le genre d'homme qui accepte qu'on lui dise non. Si j'avais refusé de le rejoindre au Harem pour connaître ma nouvelle famille, il aurait probablement été capable de m'y contraindre d'une manière ou d'une autre.

   Je ne m'attendais pas à trouver un tel établissement secret et perdu au milieu du désert. Je comprends alors le réel pouvoir et l'influence de la famille Al Delkhalek dont je fais à présent partie. Je comprends de quoi ma mère à voulu me protéger à l'époque, et je me pose des questions sur les bienfaits de ma présence au Harem. Cet endroit attise autant ma curiosité que mes craintes. Je n'ai d'ailleurs pas beaucoup de temps à consacrer à ma découverte des lieux, mon frère m'offre en mariage à un parfait inconnu pour satisfaire ses petites affaires personnelles. Me voilà fiancée sans avoir mon mot à dire au Premier ministre que Qatar Jassem Al Thani, un homme dont je ne connaissais rien à l'époque. Faire l'objet de ce genre d'arrangement m'a mise hors de moi et à ce moment-là, je n'avais que faire que mon promis soit aussi forcé que moi dans cette histoire. Je lui en voulais tout autant à cause de ce qui représentait pour mon avenir : un poids dont je ne voulais pas. Notre première rencontre fut d'ailleurs une altercation particulièrement violente. Lorsque la sœur de mon fiancé fut assassinée, j'espérais naïvement sans doute qu'il renonce à ce mariage ridicule, mais il n'en fait rien au contraire, il semblait vouloir précipiter les choses entre Jassem et moi.